Philosophie Magazine, dans son numéro de mars 2012, consacre son dossier central à "l'homme débordé" , avec une question en filigrane : "Peut-on retrouver le temps ?"
"Le constat est devenu incontournable : notre quotidien s'accélère chaque année un peu plus jusqu'à atteindre un point limite. Nos journées sont hachées par le tournoiement sans fin des urgences, le bourdonnement autoritaire des machines et une fatigue chronique. C'est que le capitalisme tardif a finalement sécrété sa figure type : l'homme débordé. Un modèle anthropologique inédit, clivé entre le désespoir de ne pouvoir reprendre la barre sur son existence et l'ivresse de frôler en permanence le burn-out. Et s'il nous manquait un juste rythme – et qui swingue – pour habiter le temps ? Si, comme le soutient Hartmut Rosa, l'accélération est devenue le nouveau visage de notre aliénation sociale, alors il est urgent d'aller apprendre du côté de ceux qui, par une décision radicale, ont su s'en émanciper pour redécouvrir un rapport attentif, patient, fertile au temps. Histoire de ne plus vivre sous la dictature du prochain e-mail."
Avec Michel Butor // Françoise Dastur // Frédéric Gros // Étienne Klein // Hartmut Rosa // Bernard Stiegler
6 articles composent ce dossier
- L'homme débordé
- Pourquoi on pédale dans le vite ?
- Et si la solution, c'était le swing ?
- Peut-on vivre dans le présent ?
- Ils ont fait le grand slow
- « Je suis en quelque sorte en sursis »
Evidemment, je me suis précipitée sur mon marchand de journaux préféré et j'ai dévoré le dossier.
Qui est cet homme débordé ? Michel Eltchaninoff nous fait partager la journée "très ordinaire" de cet homme (femme ?) pris dans un "tourbillon de fulgurances". Hartmut Rosa, sociologue, auteur notamment de L'accélération. Une critique sociale du temps (La Découverte, 2010), nous propose de retrouver un autre rapport au temps en faisant l'expérience de moments de résonance. Pour Etienne Klein, physicien, auteur de Tactiques de Chronos (Flammarion, 2009), l'expression "accélération du temps" ne repose sur aucun fondement : "Dire que le temps s'accélère, c'est en effet supposer qu'il a une vitesse et que celle-ci augmente. Or la vitesse est une variation par rapport... au temps. Parler d'une vitesse du temps supposerait donc qu'il y ait une variation du rythme du temps par rapport à ce même rythme,ce qui n'a guère de sens". Il ajoute : "Le temps est indépendant de nos agitations, de nos humeurs, de nos impatiencess, et même de notre emploi du temps !"
Enfin, dans l'article "Ils ont fait le grand slow" , le philosophe-marcheur Frédéric Gros, auteur de Marcher, une philosophie (Carnets Nord, 2009), détaille les stratégies de décélération de ceux qui ont su "rompre par une décision radicale avec cette tyrannie absurde du Tout de suite".
Juste passionnant.